Fils et petit-fils d'artistes traditionnels reconnus par la cour Impériale du Japon, Kitô était venu se former à l'art occidental et à l'art moderne en particulier en étudiant d'abord à l'école des Beaux-Arts de Paris de 1953 à 1957.
Dès sa sortie, il devient actif – non seulement par sa production mais aussi par son engagement dans la vie artistique bouillonnante de l'époque.
Ses premières peintures des années 1955 et 1956 témoignent de son admiration pour Paul Klee, pour Dubuffet, pour les artistes naïfs ou faussement naïfs. Ce sont des peintures apparemment enfantines comme Ma sœur est morte ou Ma voiture qui ne trompent pas sur le grand savoir-faire de leur auteur dans le dessin et le travail subtil de la couleur sur des fonds très travaillés – qui resteront sa "marque".
Ces "enfantillages" sont très proches des travaux de Cobra, notamment chez Appel, mais avec des couleurs plus sourdes et moins éclatantes.
Assez vite, Kitô mêle à cette inspiration européenne "moderne" des signes et des figures en provenance aussi bien de son pays natal, le Japon, que des arts primitifs et indigènes, avec toujours la même parenté avec Klee.
Dans les années 1958-1960, Akira Kitô réussit une synthèse subtile et forte entre des vocabulaires hétérogènes grâce à une maîtrise technique consommée. Qu'il peigne un Masque, une Japonaise ou un Dragon, on a affaire sur une surface réduite (en général des formats de 70 cm sur 50) à une composition simple sur des fonds profonds, creusés et travaillés. Les signes qui structurent la composition sont des signes primordiaux qui peuvent provenir de la culture japonaise mais, pour nous, tout autant d'archétypes imaginaires, comme ceux que l'on trouve à la même époque chez Miro ou Appel. L'atmosphère est mystérieuse et magique. Il faut rappeler à ce sujet que le nom de famille du peintre, Kitô, signifie en japonais "tête de diable". Les titres parlent d'eux-mêmes : Amulette, Rêve noir, Femme mythologique. Avec parfois une connotation personnelle mélancolique : Autoportrait, Solitude, même si l'humour est aussi souvent présent.
Par la suite, au cours des années 1960, les signes tendent à se disséminer ou à former des réseaux plus compliqués (Désespoir, Ville, l'Île déserte). La référence à Hundertwasser avec qui Kitô fut très lié est évidente – mais il faut préciser que l'échange entre les deux amis fut réciproque. Toutefois Kitô garde sa palette grise et assourdie, sans faire sien le carnaval coloré de son ami. Kitô réunit alors avec bonheur humour Cobra, fausse naïveté de Dubuffet et démons japonais.
L'histoire pour nous s'arrête là car subitement le peintre retourne au Japon, où il continuera dans le même style mais pour le public japonais. Curieux retournement après une période intense d'engagement dans la vie artistique parisienne : comme si la force des origines ne pouvait indéfiniment être niée ni même indéfiniment suspendue.
Il n'en va pas de même avec son fils Sébastien Kitô qui est, lui, un artiste franco-japonais "à part entière" si l'on peut s'exprimer ainsi sans que ce soit risible, puisque Sébastien Kitô est né en France en 1963 et y a travaillé sans discontinuer.
Comme son père, il a été élève de l'école des Beaux-Arts – et, ironiquement ou pas, dans l'atelier d'un artiste qui fut d'abord Cobra, je veux dire Alechinsky. Bien qu'il ait travaillé avec Raymond Hains comme assistant pendant plus de dix ans, il a développé une pratique de sculpteur bien à lui, qui est aux antipodes des fantaisies expressives de Cobra, aux antipodes de la calligraphie, du matiérisme et de la mythologie.
Sa sculpture est faite de formes simples, évidées et "transparentes", qui sont traversables par le regard et même traversables physiquement dans le cas des plus monumentales. Elles découpent l'espace avec légèreté et s'y inscrivent comme des dessins grandeur nature. Les formes sont obtenues de manière lisible par la découpe des surfaces intérieures qui sont ensuite pliées et étendues vers l'extérieur. S'il y a quelque chose de japonais ici, c'est l'écho de l'origami, art de plier le papier ici appliqué aux métaux et verres.
Les couleurs sont simples, telles que les propose le commerce (rouge, jaune, bleu, rose), à moins que Kitô ne conserve la couleur du métal, de l'étain, des verres teintés industriellement, du matériau. Elles arrêtent le regard sur leur forme et le laissent ensuite passer à travers elle. S'il y a une parenté "moderne" à noter, ce serait celle avec Calder mais sans la dimension "mobile". Les articulations sont souvent faites de charnières qui indiquent la possibilité de plusieurs positions - voire celle de replier la sculpture.
Il est important de souligner que Sébastien Kitô peut travailler à des échelles très différentes, depuis la petite sculpture discrète qu'on pose sur un meuble jusqu'à la sculpture pour l'espace extérieur, en passant par les sculptures d'intérieur.
Il y a là quelque chose d'original, entre minimalisme, cinétisme immobile, projet conceptuel et même design, par exemple pour les prismes colorés si énigmatiques qu'ils semblent venir de quelque autre planète.