EXPOS

MARTA MINUJIN ET MARK BRUSSE

Oeuvres Présentation Artistes Presse Télécharger

La galerie Lara Vincy présente « La chambre d’amour », une installation de Marta Minujin et Mark Brusse réactivée aujourd'hui. Conçue à Paris pour une exposition itinérante au Japon en 1964 « Art contemporain français – Le labyrinthe de la ville à la chambre d’amour », elle n'en reviendra pas. Dans ce contexte seront également présentés quelques originaux des deux artistes : des œuvres murales de Marta Minujin constituées de matelas à bandes de couleur peintes et des sculptures en bois de Mark Brusse ; ainsi qu’un triptyque, témoin de cette réalisation, appartenant au MAC/VAL.

« La chambre d’amour », enquête sur une disparition.

1963, Marta Minujin et Mark Brusse conçoivent un espace invitant le spectateur à dormir, songer, rêver, aimer, et ayant pour “bailleurs de fonds” Jean-Clarence Lambert, Pierre Restany, puis Raoul-Jean Moulin. Comment expliquer alors, que de retour du Japon cette grande installation ait été restituée à ses concepteurs, dans une boîte à chaussure égarée à tout jamais sur les docks de Marseille ?
Afin de comprendre l’impact d’une telle œuvre, imaginons une époque, celle qui fit basculer une génération de l’existentialisme aux années Pop. William Burroughs venait d’écrire « Le Festin Nu », Brion Gysin et Ian Sommerville réalisaient les « Dream Machines » et, de La Borde au Larzac les expériences étaient communautaires. On réalise les uns avec les autres, puis les uns chez les autres. Invités par Jean-Clarence Lambert à concevoir une œuvre commune pour une exposition au Japon, Marta Minujin et Mark Brusse la réaliseront dans le salon de Nicola L. Composée de bois, de pics et de chaînes, cette structure habitable -conçue par deux enfants de Schwitters- est entièrement recouverte par la polychromie de tissus et matelas peints, qui évoquent concomitamment : l’univers du Marquis de Sade et du Sergent Pepper’s. L’enthousiasme aidant, les modules s’ajoutent les uns aux autres, et le soir de l’inauguration, l’Ambassade du Japon anticipe avec délectation l’étonnement que provoquera une telle œuvre au Musée des Arts de Tokyo. L’arrivée des transporteurs corse l’affaire, La chambre d’amour -dont un jeune couple vérifia à l’impromptu la validité du titre- ne passe ni par la porte, ni par la fenêtre, sa seule issue : la façade. Qu’à cela ne tienne, Nicola L fait scier les murs de son salon le 31 décembre 1963, afin d’en extraire l’imposante installation. « La chambre d’amour » peut enfin rejoindre la Vénus de Milo en partance pour Tokyo.
Représentation d’une esthétique relationnelle avant l’heure, cette œuvre bien que matérialité, 3D, compta moins aux yeux de ses créateurs que les aventures qu’elle cristallisa ; car si son visible fut composé d’une cohabitation d’éléments disparates, son visuel était riche d’échanges intellectuels, amoureux, politiques et poétiques qu’elle abrita ou suscita. Probablement pour cette raison, elle fut montée, puis démontée, voyagea à l’ère de la déterritorialisation au point de se dissoudre dans son nomadisme. Pierre Restany -qui toute sa vie s’intéressa à l’œuvre polymorphe de l’argentine Marta Minujin- n’eut de cesse de lui demander de poser ses valises pour reconstruire cette chambre mythique. Raoul-Jean Moulin -dont on connaît le rôle déterminant pour la constitution de la collection du MAC/VAL- perçut l’importance de cette œuvre, au point de demander à Mark Brusse de réaliser un témoignage de La chambre d’amour dans le contexte de « la suite Paul Eluard : les yeux fertiles »- ce qu’il fit avec Marta Minujin sous forme d’un triptyque qui rejoignit la collection en 2003.
Mais alors pourquoi refaire une œuvre qui à force de voyages, de démontages et d’essayages, finit par se dissoudre ? Pourquoi demander à ses concepteurs de reconstituer à l’identique cette structure habitable ? « Parce qu’on est vivant ! ». Excellente raison ! À nous de sauter sur l’occasion. Hop ! Là : 47 rue de Seine 75006 Paris.

Francine Flandrin