EXPOS

PIERRE BRAUN

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Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie, Pierre Braun présente une nouvelle approche des recherches graphiques qu’il entreprend depuis une trentaine d’années avec l’ordinateur. Son exposition à la galerie Lara Vincy en 1999 anticipe une archéologie des médias et cherche à témoigner de l’idée selon laquelle l’imprimante jet d’encre est aussi un appareil de création à part entière à l’instar de l’appareil photographique ou d’un micro-ordinateur. Depuis, sa complicité avec les machines se radicalise en interrogeant le code et les données à partir de sa pratique du dessin programmé. Ses créations évoluent discrètement en cherchant à déjouer les algorithmes dont les flux de données sont devenus les éléments constituants de notre réalité. Que pouvons-nous retenir de ces millions d’images qui défilent chaque jour ? Comment témoigner de notre sensibilité à la fréquentation des machines ?
Si les nouvelles techniques de visualisation de données, big data et cartographies en tout genre cherchent à nous donner un nouvel éclairage des affaires du monde, Pierre Braun se souvient que ces outils qui manipulent la matière de l’information renvoient à l’idéalisme pionnier du Computer Art.
Faussement condamnés à l’obsolescence, les programmes qu’il élabore s’opposent à une programmation dont le rendu final est prévisible. Au delà de la virtuosité ou du côté très abouti du Computer Art, Pierre Braun pousse la machine et les logiques du programme dans leurs retranchements. Les jeux de données qui permettent les tracés matériels subissent les assauts des mouvements de la machine et du code qui l’anime. Mais la série sur les boucles peut aussi se présenter comme des paresses graphiques à l’échelle des programmes. Ses « animations infinies » font l’objet de cinématiques retorses au défilement du temps. Ce sont les données élémentaires de l’écriture et du graphisme qui se trouvent réinterrogées à la lumière des programmes.
Les lignes sont faites pour le retour sur elles-mêmes et la redondance. Entre gribouillis et Cy Twombly, elles se souviennent des mondes déjà parcourus... (Florence De Mèredieu)
Les dessins dont les premières séries sont exécutées dès les années 80 (Pierre Braun collabore avec François et Véra Molnar) font aujourd’hui l’objet de reprises spécifiques à la gouache sur toile. Les tracés exécutés par la machine sont reproduits et agrandis manuellement. La main tente de suivre et de reprendre à l’échelle humaine les tracés générés par les codes de la machine. D’autres dessins sur toile réalisés à main levée cherchent à constituer par le rythme et la durée d’exécution des tracés d’improbables épreuves projectives du temps. Des flyers obsolètes, des bouts de papier ou des graphismes à main levée suscitent de nouveaux paysages de données potentielles qui réagencent à l’échelle du corps les tracés graphiques et le traitement des données que réalisent en masse aujourd’hui les machines.
Si l’esprit de système est un moteur de son œuvre, Pierre Braun se tient pourtant sur ses marges (...) Ces marges où le trait tutoie l’écriture et la lettre... (Christophe Domino)
Cette ingéniérie du temps perdu produit volontairement du presque rien à l’échelle d’un monde travaillé par la digitalisation. Objets de classements et de reprises qu’il qualifie d’esthétique stitchup, ces humanités digitales décèlent comment les codes et les programmes que nous fréquentons modifient la perception de notre émancipation et la transparence supposée des technologies. Cette exposition en propose une approche à la fois graphique et sensorielle, que ce soit dans les formes de représentations ou dans les expérimentations pratiques sous la forme de recréations en réalité augmentée.
Pour cette exposition, la galerie Lara Vincy et Présent Composé publient un livre. C’est à la fois un catalogue d’exposition et un parcours sélectif. Cette publication expérimentale est conçue comme une édition hybride basée sur la mise en relation du tangible et du digital. (l’édition papier se trouve associée aux technologies numériques). Des recréations graphiques sont associées à trois œuvres graphiques reproduites dans le livre, jouables sur smartphone et tablette avec une application spécifique à télécharger. Le lecteur pourra explorer et jouer autrement de nouvelles sensorialités graphiques tout en poursuivant ailleurs l’esprit des œuvres.
 
RECOLLECTION :

Quand le catalogue édite et joue avec les données graphiques exposées.

Les recréations graphiques présentées dans le catalogue Recollection ne cherchent pas à se substituer aux œuvres exposées à l’image des Qrcodes que l’on voit fleurir actuellement sur les murs des galeries ou des institutions. Les animations ne sont pas accessibles directement en pointant les œuvres à la galerie mais seulement leur reproductions dans le livre. Ce point est important car au delà de l’exposition (qui présente également les éditions Présent Composé), le catalogue poursuit la ligne éditoriale des éditions Présent Composé en interrogeant les supports numériques. Dans le contexte de la digitalisation du monde, ce sont les nouvelles formes de la transmission et de l’archive dont on interroge l’actualité d’une manière retorse.

La première des trois recréations s'intitule "Instabilités graphiques". Conçue par Julia Dirand, l'animation s'inspire du dessin réalisé à la table traçante Texas Instruments : Sans titre (section c_9), 1982/84.
 
Déjà vu

Extrait de la série graphique générative (trames et modules), le dessin a été entièrement décomposé de manière à isoler et indexer chacun des modules qui le composent. Les nouveaux capteurs d’inclinaisons qui sont accessibles sur les smartphones ou tablettes permettent d’actualiser le tracé initial avec une nouvelle dynamique de création. Sans changer la configuration initiale des modules graphiques dessinés, le nouveau programme se présente à l’écran comme quelque chose de déjà vu….Écrit sous processing et c++, la réécriture du programme permet discrètement de rendre chaque module mobile et indépendant sous une apparence identique. L’utilisateur devient pourtant une sorte d’équilibriste. Il doit faire face à une configuration graphique modulaire qui menace ludiquement de s’écrouler comme un château de carte à chaque mouvement involontaire de la tablette. Il s’agit désormais de maintenir la bonne inclinaison horizontale par touches d’ajustements permanents sous peine de modifier et d’altérer l’équilibre graphique initial de l’assemblage des modules. Pour le dire autrement, la reproduction du dessin original s’est métamorphosé en une simulation graphique dont les modules graphiques sont devenus comme les maillons ouverts d’une chaine. Toute la cohérence, la stabilité et l’organisation orthogonale ne tiennent qu’à un fil : celui de maintenir la tablette à un niveau d’organisation homéostase de l’information. L’utilisateur expérimente à son échelle son incapacité sensorielle à contenir les milliers d’informations qui transitent par la machine. Il a ce sentiment d’avoir reconnu et déjà éprouvé ce moment particulier pour l’image, à la croisée de plusieurs destins partagés entre des logiques de réplication et de dissolution.

 
Parasites graphiques. (À propos de la pièce "Random walk"  de Delphine Bezier, 2014)

Activée par la reproduction de 3 copies d’écrans de l’animation temps réel « 2 marches au hasard dans un cercle », (2008), l’algorithme reprend la marche au hasard graphique (random walk) qui est un peu l’équivalent du « hello world !» de toute initiation logicielle. 5 tracés aléatoires de 10 segments de droites de taille identique zigzaguent sur la tablettes comme autant d’organismes ou d’êtres graphiques dont il s’agit de maitriser et anticiper les trajectoires irrésolues…Là encore, cette proposition graphique initiée par Delphine Bezier et intégrée en c++ pour la plateforme Androïd par Arthur Vimond conditionne une forme d’héroïsme paradoxal. L’algorithme ne comporte aucune virtuosité technique et esthétique. Il s’agit de traiter et de reconfigurer un assemblage de données d’informations mixant des coordonnées graphiques, pondérées par les valeurs de l’inclinomètre qui parasitent le graphisme sempiternellement. Les données semblent glisser et nous échapper comme des anguilles sur la surface de notre tablette. Que devient l’information aujourd’hui, que pouvons-nous en retenir ?
 

Acuité visuelle. À propos de "Modulations de fréquences" de Flora Marchand et Rodolphe Bossé, 2014

La troisième proposition est tirée de Onde3D (2012), une toile réalisée à partir d’une petite chorégraphie du corps, répétition à l’échelle du format (150 x150 cm) d’un geste ondulatoire à l’aide de craies noires tracées sur le support de la toile. Flora Marchand et Rodolphe Bossé ont imaginé un transcodage sous la forme d’un signal périodique en (256) niveaux de gris continus. Cette transformation permet de structurer un réseau élémentaire de fréquences spatiales modulables et agies par le corps. On sait que notre acuité visuelle est déterminée en partie par notre capacité à discriminer l’information d’un stimulus visuel par l’organisation de son réseau de contrastes basses et hautes fréquences. Le réseau nous invite à expérimenter le passage continu entre les basses et hautes fréquences bien connu dans le monde du traitement d’images (Transformée de Fourier). Mais ici, nulle commande numérique apparente, pas de potentiomètres associés : l’information traite et module les hautes et basses fréquences au gré des mouvements d’inclinaison des bras. C’est en quelque sorte le processus de la vision qui expérimente et détermine par le corps une échelle de perception haptique du réseau d’information élémentaire.

Pierre Braun
 
Biographie
Né en 1961 à Paris/F.
Vit et travaille à Rennes et Saint-Malo/F.

Maître de conférences en arts plastiques au département des arts de l’Université de Rennes 2 depuis 1993, responsable des éditions de création et de recherche Présent Composé.

Expositions individuelles :
2011    
Espace M. Université Rennes 2, Rennes/F.
1999   
Un éclair...puis la nuit !, Territoires mobiles et coïncidences, galerie Lara Vincy, Paris.

Expositions collectives (sélection) :
2011    
Table en quarte, installation, grande salle des pas perdus, Parlement de Bretagne, Rennes/F.
1999    
Denise A. Aubertin, Ben, Pierre Braun, Raymond Hains, Rolf Julius et Peter Vogel, galerie Lara Vincy, Paris.
Pur/impur, commissariat Charles Dreyfus, collectif Aixois d’art contemporain, Aix-en-Provence/F.
1995    
Digital Konkret 1, exposition avec Wolfgang Kiwus,Véra Molnar, Georg Nees, Horst Rave et Erwin Steller, Gesellschaft für Kunst und Gestaltung, Bonn/D.    
Hommage à Picabia, salon de Montrouge (section peinture), Montrouge/F.
1994    
Le temps de l’ailleurs, exposition anniversaire avec Pierre Restany et Alex Mlynarcik, galerie Lara Vincy, Paris.
1992    
SmartTech, graphismes programmés, mixed médias, installation informatique (générateur graphique programmé), avec Nissim Merkado et Bill Fontana, galerie Natkin-Berta, Paris/F.
1985    
CAAO (Conception Artistique Assistée par Ordinateur), avec Véra Molnar, Denis Pigny et Pierre Braun, commissariat François Molnar, Chapelle de la Sorbonne, Paris/F.

Éditions de création et de recherche :
Entre 2000 et 2011, Pierre Braun délaisse les projets d’exposition pour participer au développement expérimental de l’édition multimédia de création et de recherche en créant les éditions Présent Composé, la seule édition hébergée par un laboratoire de recherche en France. Entre 2001 et 2012, 8 publications sont l’objet d’éditions spécifiques. Présentant des partis pris éditoriaux visant à contredire les prétentions du cd rom culturel, les éditions Présent Composé sont devenues la deuxième collection d’archives de nouveaux médias interactifs dédiée à la recherche et la création en France après celle dirigée par Anne-Marie Duguet (éditions Anarchive).

Commissariat :
1997    

La part des anges, avec la galerie Lara Vincy, commissariat Pierre Braun, galerie Art et Essai, Université Rennes 2, Rennes/F.

Éditions Présent Composé (2001-2013) :
- La Fagm, réalisation hypermédia, chapitre 7, supplément cd-rom au livre d’artiste de Véronique Hubert, conception-réalisation Pierre Braun, coédition Incertain Sens et Présent Composé, Rennes, 2002.
- La conférence des échelles, une intervention d’Hubert Renard, cd-rom, conception-réalisation Pierre Braun, coédition Incertain Sens et Présent Composé, Rennes, 2003.
- Build n° 2, livret 32 pages n&b + dvd-rom, sous la direction de Sébastien Vonier et Alexis Chazard, éditions Présent Composé, 2005.
- Vito Acconci/Acconci Studio, une architecture en projet, dvd-rom, conception-réalisation Pierre Braun, éd. Présent Composé, Rennes, 2005.
- Vidéoportraits, dvd-vidéo, sous la direction de Yves Trémorin et Frank Delaunay, Présent Composé, 2007.
- Parasite(s), dvd-rom, sous la direction de Pierre Braun, Denis Briand et Pascale Borrel, conception-réalisation Pierre Braun, coédition Présent Composé & revue En l’état, Rennes, 2007.
- Véra Molnar, Journaux intimes, 1976-2003, cd-rom, sous la direction de Vincent Baby, Boris Volant et Pierre Braun, éd. Présent Composé, Rennes, 2009.
- Libérez les machines, l’imaginaire technologique à l’épreuve de l’art, sous la direction de Pierre Braun, 224 pages, éd. Présent Composé, Rennes, diffusion Presses du Réel, 2013.

Avec l'aimable participation de vinetculture.fr